Le TOUCHER

 

Pour ce nouvel atelier, les participant.e.s étaient invité.e.s à écrire sur le sens du TOUCHER

 

Toucher, c’est dévisager le monde du bout des doigts ou des lèvres, à fleur de peau.

C’est encore laisser entrer en soi une symphonie de sensations à déchiffrer dans toutes les gammes, du chaud au froid, du doux au rêche, du tendre au dur.

C’est aussi parfois la cacophonie d’une langue aux mots oubliés, hésitante ou éplorée, censurée, mise à l’index des conventions sociales. 

C’est enfin sentir l’émotion d’un autre toucher, frémissant, déroutant, enivrant, qui se déploie en corps à cœur. 

Hélie Bécot

 

Distance

Près de l’Être, pour nos sentiments garantir,
Des rapprochements physiques peuvent suffire.
Le manque d’une proximité force à dire,
Rechercher les mots précis qui vont convenir,
Toucher, montrer son attachement avec soin
Pour combattre la distance, trouver l’accroche,
Dire combien on est bien auprès de son proche
Et, finalement, même quand on en est loin...

Jean-Loup Jamin

 

Nous déconfinons, mais attention : NE PAS TOUCHER.
Une poignée de main ? INTERDIT.
Pourtant que de compréhension de l'autre dans ce simple geste !
Nous entrons en relation : la main est ferme, molle, chaude, froide, humide ...
Ne pas toucher, mais face à un enfant, comment résister ?
Le toucher doux, le câlin pour lui montrer qu'on l'aime, pour l'apaiser dans les moments difficiles, pour calmer les pleurs et essuyer les larmes.
Comment ne pas toucher devant un adulte triste et abattu ?
Vivement que nous ayons la possibilité de vaincre ce COVID pour retrouver le toucher, ce sens si important dans notre vie.

Alexandra Maridet

 

TOUCHER

Toucher le sable ou la terre - fluides de sécheresse, compacts d’humidité - ;
la rugosité d’une écorce, la douceur d’un tissu ou son contact rêche.
Ressentir la caresse du soleil ou la morsure de l’hiver.
Flatter un pelage épais ou clairsemé, dru ou plaisamment soyeux.

Toucher :
contact émouvant, échange de mots silencieux.
Un petit corps chaud qui se blottit, un grand corps qui accueille.
Des bras qui étreignent, une main qui se pose.
Les cheveux que l’on effleure, ceux qu’on ébouriffe.
Toucher :
impatiente envie, en proie au doute et à l’appréhension.
Toucher :
ces gestes du vivant qui restent suspendus.

Aurais-je imaginé si grand vide de sens, et regardé mes mains comme possibles ennemies ?

Lillie VB

On doit se saluer sans se toucher, sans s’embrasser. Garder au moins un mètre de distance avec l’autre. Porter un masque pour se protéger de l’autre. Se désinfecter les mains après chaque contact avec l’autre, après avoir touché chaque objet ici ou là, parce que l’autre est susceptible de l’avoir touché avant nous et d’y avoir laissé le virus qui peut nous ôter la vie.

Parce qu’on nous a bien mis en garde : l’autre est un danger pour notre vie. À moins que ce ne soit nous qui ne représentions un danger pour l’autre. 

Je suis allée voir ma mère pendant le confinement. Parce que même si le virus représente un réel danger pour sa santé, l’isolement, la dépression en constitue un également tout aussi réel et tout aussi important. Je vais la voir et je ne l’embrasse pas. J’ose à peine la prendre dans mes bras. Je tente de la réconforter tout de même en posant mes mains sur ses épaules, par d’affectueuses mais brèves frictions. Rien ni personne en revanche ne m’empêchera d’embrasser mes enfants.

Quant au masque, il m’étouffe. Le tissu (léger pourtant, j’ai pris tout ce qu’il y a de plus léger) m’irrite. Il me fait transpirer et m’empêche de voir devant moi. À cause de mon grand nez, je ne vois plus mes pieds. Descendre un escalier devient une prouesse circassienne, sortir un objet de mon sac un tour de prestidigitation. Et pas la peine de se maquiller les lèvres. Au cas où me prendrait l’envie de séduire ou de me plaire à moi-même, il ne me reste que le regard.

Enfin, le gel avec lequel on est tenu de se frotter les mains est froid. C’est l’hydroalcool qu’il y a dedans qui doit être si visqueux. On a beau frotter pour le faire pénétrer et tenter de se débarrasser de son contact gluant, une fois qu’on a réussi à le répartir à peu près sur toute la surface de la peau, on réalise qu’il n’a pas disparu. Il s’est juste mué en colle. Désormais, c’est avec des mains collantes qu’on touche toute la journée des objets touchés par d’autres mains collantes.

Véronique Bouilly

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